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Mot-clé - Coup de gueule

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lundi 14 mars 2011

Coup de gueule (bis)

Pas plus tard que ce matin, je parlais de mon "coup de gueule" sur la ville de Marseille, au risque parait-il d'essuyer des poursuites pour "diffamation"... N'aurions nous plus le droit de nous exprimer librement ?

Cet après midi, je reçois un "coup de gueule" lancé par Philippe Carrese.

Objet : Billet Humeur_Philippe CARRESE
  J'AI PLUS ENVIE
J'ai plus envie.
J'ai plus envie de me prendre le quart-monde dans la gueule chaque fois que je mets un pied sur la Canebière.

Je m'apprêtais à écrire une chronique rafraîchissante pour un magazine d'été riant, bien décidé à taire mes énervements habituels. J'avais pris de bonnes résolutions, rangé ma parano dans ma poche et mes colères avec mes tenues d'hiver, au fond d'un placard. Je m'apprêtais même à faire de l'humour. Quelques fois, j'y arrive. Mais voilà. Une randonnée pédestre éprouvante entre les Cinq Avenues et le cours d'Estienne d'Orves a sapé mon moral et éradiqué mes résolutions optimistes.

J'ai plus envie de relativiser. J'ai plus envie de faire de l'humour. Et j'ai plus envie de subir ce cauchemar quotidien.

J'ai plus envie de supporter toute la misère du monde à chaque coin de rue.

J'ai plus envie de slalomer sans cesse entre des culs-de-jatte mendiants, des épaves avinées et des cartons d'emballages de fast-foods abandonnés sur le bitume chaotique du premier arrondissement.

J'ai plus envie de cette odeur de pourriture qui me saute à la gorge, de cette odeur d'urine à tous les angles de travioles, de cette odeur de merdes de chiens écrasées sur tous les trottoirs, de ces relents de transpiration et de crasse sur les banquettes arrière du 41.

J'ai plus envie de perdre des heures en bagnole dans un centre-ville laid, dévasté par manque total de prise de conscience individuelle et d'organisation collective.

J'ai plus envie de voir ma difficile survie professionnelle lézardée par des bureaucrates en R.T.T, assenant au petit peuple que la voiture est un luxe inutile, eux qui n'ont sans doute plus pris un métro depuis des lustres.

J'ai plus envie de me retrouver sur le parvis de la gare Saint Charles à onze heures du soir avec mes jambes et ma mauvaise humeur comme alternative à l'absence totale de transports en commun et à la présence suspecte de rares transports individuels qui frisent l'escroquerie.

J'ai plus envie.

J'ai plus envie de baisser les yeux devant l'indolence arrogante de jeunes connards.

J'ai plus envie de jouer les voitures-balais pour de malheureux touristes étrangers bouleversés, fraîchement dévalisés par des crétins sans loi ni repère.

J'ai plus envie de me retrouver à chercher des mots d'apaisement et à soliloquer des propos hypocrites sur la fraternité et la tolérance lorsque mes enfants se font racketter en bas de ma ruelle.

J'ai plus envie de me laisser railler par ces troupeaux d'abrutis incultes, vociférant et bruyants au milieu des trottoirs qui n'ont qu'une douzaine de mots à leur vocabulaire, dont le mot « respect » qu'ils utilisent comme une rengaine sans en connaître le sens.

J'ai plus envie de contempler mon environnement urbain saccagé par des tags bâclés et des graffitis bourrés de fautes d'orthographe. L'illettrisme est un vrai fléau, il plombe même l'ardeur des vandales.

Et aussi...

J'ai plus envie de voir les dernières bastides mises à bas, les derniers jardins effacés d'un trait négligent sur des plans d'architectes en mal de terrains à lotir.

J'ai plus envie de cette ville qui saccage son passé historique sous les assauts des promoteurs (le comblement de l'îlot Malaval est une honte).

J'ai plus envie de cette ville qui perd sa mémoire au profit du béton.

Et encore...

J'ai plus envie d'écouter poliment les commentaires avisés des journalistes parisiens en mal de clichés, plus envie d'entendre leurs discours lénifiants sur la formidable mixité marseillaise. Elle est où, la mixité ? De la rue Thiers au boulevard des Dames, la décrépitude est monochrome.

J'ai plus envie de traverser le quartier Saint Lazare et de me croire à Kaboul.

J'ai plus envie non plus de me fader encore et toujours les exposés béats de mes concitoyens fortunés, tous persuadés que le milieu de la cité phocéenne se situe entre la rue Jean Mermoz et le boulevard Lord Duveen. Désolé les gars, le centre ville, à Marseille, c'est au milieu du cloaque, pas à Saint Giniez. Tous les naufrages économiques de l'histoire récente de ma ville tournent autour de cette erreur fondamentale l'appréciation de la haute bourgeoisie locale.

J'ai plus envie de ce manque d'imagination institutionnalisé, plus envie de palabrer sans fin avec des parents dont la seule idée d'avenir pour leur progéniture se résume à : «un boulot à la mairie ou au département».

J'ai plus envie d'entendre les mots «tranquille» «on s'arrange» «hé c'est bon, allez, ha» prononcés paresseusement par des piliers de bistrots.

J'ai plus envie de ce manque de rigueur élevé en principe de vie.

J'ai plus envie de l'incivisme, plus envie de la médiocrité comme religion, plus envie du manque d'ambition comme profession de foi.

J'ai plus envie des discours placebo autour de l'équipe locale de foot en lieu et place d'une vraie réflexion sur la culture populaire. J'ai plus envie non plus de me tordre à payer des impôts démesurés et de subir l'insalubrité à longueur de vie.

J'ai plus envie de m'excuser d'être Marseillais devant chaque nouveau venu croisé, décontenancé par sa découverte de ma ville. Ma ville !

Et pourtant, Marseille.

Pourquoi j'ai plus droit à ma ville ? Merde !

Philippe Carrese, pour Mars Mag, juillet 2006

Ce billet a 5 ans !!! mais il est tellement vrai !!

jeudi 25 mars 2010

Marseille 2013

Ne me rappelant plus quand Marseille a été "élue" Capitale Européenne de la Culture 2013, j'ai cherché sur Google et la première phrase apparaissant sur le site du Conseil Général des Bouches du Rhône est la suivante :

Le 16 septembre 2008, Marseille a été élue Capitale européenne de la Culture 2013. Au delà de la commune de Marseille, c'est tout un territoire qui a soutenu le projet et l'a remporté. Etre capitale européenne de la culture en 2013 est pour tous un défi que le Conseil général est prêt à relever.


Cela fait donc 18 mois à présent que Marseille se prépare à un tel évènement et personnellement, même si je ne participe pas forcément aux manifestations organisées, je m'en suis beaucoup réjouie... Comme tout régional, même si je n'habite pas Marseille, je suis marseillaise !

Il est vrai aussi que, l'accès de Marseille étant tellement complexe, quand je vais à Marseille, c'est avec un but très précis, pour aller d'un point A à un point B et que du coup je passe à côté de la vie marseillaise proprement dite.

Aujourd'hui j'ai eu l'opportunité de passer une grande partie de la journée "en ville" !

Départ métro La Rose à 9 h 30 : si en 2013 il y a toujours aussi peu de places de parking, cela ne motivera pas les "banlieusards" à aller participer aux manifestations.

Arrivée à Castellane. Etant en avance pour notre 1er rendez vous (il était 10 h du matin), avec mon mari, nous décidons de passer à travers une petite partie du "réputé" marché du Prado. Quand j'y allais plus régulièrement, il y a une dizaine d'années, il fallait jouer des coudes pour approcher les étals. Ce matin, en passant près des étals "alimentaires", visiblement les chalands ne se bousculaient pas.

A la sortie de notre rendez-vous, nous décidons de faire la deuxième partie du marché, où se trouvent beaucoup de marchands de vêtements, de sacs et souliers, ou encore des camelots et leur... camelote !

Pendant une quinzaine d'année j'allais sur ce marché pour "m'habiller" ou trouver des vêtements pour mes enfants, des vêtements de qualité (voire même de "marque") à des prix abordables

Ce matin, c'était désespérant (ou accablant, affligeant, consternant, contrariant, décourageant, démoralisant, désolant, écœurant, navrant : rayer la ou les mentions inutiles ;) !). Aucune envie de regarder, de s'arrêter. Le regard des gens est vide. Les marchands ont perdu leur faconde. Les produits proposés n'ont aucune "tenue". La mode en plus de ça est vraiment triste, à l'image des gens, à l'image de la société.

Le choc !

Pour nous ressaisir, nous allons manger avec notre fils, à l'opposé, du côté de la Joliette. C'est un quartier d'affaires en pleine mouvance et restructuration mais avec aussi de magnifiques bâtiments tels les Docks. Après le repas, Philippe nous a fait traverser ces bâtiments et nous a même emmené voir la magnifique maquette montrant tous les projets d'évolution de la ville dans la cadre de "Marseille, Capitale Européenne de la Culture 2013". Une charmante hôtesse était là pour nous donner quelques informations complémentaires.

L'heure est venue de laisser Philippe retourner à son travail et nous d'aller à notre deuxième rendez-vous non sans faire une halte au centre de Marseille. Pour cela nous prenons -pour la première fois depuis sa reconstruction- le tramway : Joliette - Alcazar Belsunce par la rue de la République (en tournant à la place Sadi Carnot).

Nouveau choc !

Cette magnifique rue (sur un plan architectural !) bordée d'immeubles "hausmaniens", si animée dans le passé, a été vidée d'une partie de ses habitants laissant place à des immeubles aux magasins et volets fermés, aux façades abandonnées, dont certaines arborent des panneaux publicitaires proposant des bureaux. Heureusement le tramway passe suffisamment vite pour ne pas s'éterniser devant ce triste spectacle.

Notre arrêt, devant l'Alcazar me permet de découvrir (c'est vous dire à quel point je ne "descends" plus à Marseille !) la restauration de cette ancienne salle de spectacle transformée en bibliothèque municipale (ouverte au public en 2004).

De là nous allons dans le grand centre commercial qui lui fait face (avec une grande enseigne spécialisée dans le multimédia, livres et autres ;)) et ne pouvons que constater que les abords sont sinistres, aux devantures de magasins fermées et taguées, A proximité de tout ça le "World Trade Center de Marseille" ! Tellement peu reluisant pour l'image de Marseille qu'il est question qu'il soit "délocalisé" !

Il est temps pour nous d'aller à notre deuxième rendez-vous en reprenant le métro à "Noailles" ce qui nous donne l'occasion de traverser le cours Belsunce et la Canebière. Ah ! notre Canebière ! Elle est connue dans le monde entier.Tous ceux qui l'ont chantée donnaient des frissons d'envie de la connaître ! Elle est méconnaissable.Triste elle aussi. Plus aucun caractère. Vide.

C'est tête baissée que nous poursuivons notre chemin.

Marseille, Capitale Européenne de la Culture 2013 ? Il ne reste que trois ans.

Trois ans pour être digne de cet honneur ? J'avoue honnêtement douter de la capacité des dirigeants de cette opération à arriver à leurs fins sans tomber dans le "vite fait-mal fait".

J'étais fière de faire visiter Marseille à mes amis étrangers. Après ce que j'ai vu aujourd'hui, j'ai honte.